Apprendre au cœur de la vie, se former au cœur de la vie.

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Se former au cœur de la vie

Paulette, Ingrid, Georgette, Monique, Thérèse, Nicole, Olga, Bernadette, Christiane
galèrent depuis 6 ou 7 ans. Elles sont ouvrières de l’horlogerie, elles ont des qualifications horlogères précises, mais les montres portées par les uns et les autres ne sont plus mécaniques, elles sont électroniques…Elles travaillent depuis 20 ou 30 dans la même usine qui a bonne réputation, mais un jour l’usine a annoncé sa fermeture. Avec d’autres ouvriers, elles ont réagi, créé des ateliers, des micro entreprises ; mais là, 7 ans après, leurs copains estiment qu’elles ne sont plus rentables. Elles doivent plier bagage et chercher du boulot. Les pouvoirs publics s’émeuvent ; c’est bientôt l’élection présidentielle Giscard/Mitterrand ; le Préfet contacte le Directeur local de l’ANPE, il faut faire quelque chose pour ces femmes…
Ayant imaginé un stage de réinsertion professionnelle des femmes, dans le cadre de l’Institut Universitaire de Formation Continue de l’Université de Besançon, je suis contactée. Après quelques tergiversations, avec deux autres collègues formatrices, l’aventure commence. Nous tentons, stagiaires et formatrices de relever le défi de ne plus se sentir acculer, dépasser par une situation que les stagiaires ne savent plus par quel bout prendre et qu’elles ont l’impression de ne plus maîtriser.
Leur expérience professionnelle, leurs qualifications, leurs représentations du travail et de leur place dans le monde se sont écroulées. Avant la fermeture de l’usine, et avec l’aventure de la reprise par elles et leurs camarades d’une partie de la production, elles investissaient dans leur travail, et là patatras… ce sont leurs camarades qui leur demandent de partir car elles ne seraient pas assez productives…
Depuis 20 ans, 30 ans, leur vie est réglée par le travail à l’usine. Elles pointent de bonne heure à l’usine, à 7h, elles gagnent leur atelier, et la journée durant, elles opèrent délicatement sur ces montres qui défilent sous leur nez. Leurs gestes sont précis, elles ont un véritable savoir faire. Vers 17 ou 18h, elles quittent l’usine, regagnent leur domicile, où certaines retrouvent leur conjoint, leurs enfants, les tâches domestiques, aident leurs parents âgés. Leur vie est organisée, rythmée par le travail industriel.
Brusquement, il y a 8 ans, leur vie a été brutalement ébranlée. Avec les syndicats de l’usine, elles luttent pour s’opposer à la fermeture de l’usine et l’occupent.
Concrètement, cela signifie rester de temps en temps la nuit à l’usine, manifester, expliquer leur opposition à la fermeture, participer aux projets de coopératives. Le rythme de leur vie est modifié ; finis la vie régulière, les repas préparés au conjoint…, finie la subordination aux « chefs ». Elles apprennent à prendre la parole, à expliquer…l’une d’elle a parlé à la bourse du travail à Paris devant 1000 personnes.

Et là, au début de la formation, elles sont retombées dans l’oubli. Cette lutte, c’est une affaire classée par la presse. Les journalistes parlent encore de tel ou tel leader, mais elles ont 55 ans, ne peuvent pas bénéficier de la retraite, et puis, on n’a plus besoin d’elles dans ces nouvelles petites entreprises. Certaines ont joué leur vie personnelle dans l’histoire, leurs conjoints n’ont pas toujours apprécié qu’elles s’affirment, occupent parfois le devant de la scène…
Elles sont là en formation, elles n’ont pas eu le choix.
Elles se connaissent toutes, elles ont travaillé dans le même atelier, et leur chef est là, elle aussi. Ajoutons, qu’elles prennent presque toutes des tranquillisants ; c’est une manière de lutter contre leurs angoisses et leur mélancolie.
Nous, les formatrices, nous ne les connaissons pas.
Il est décidé que cette formation se déroulerait dans des locaux de la « maison de la formation continue ».
Au cours de la formation, il s’agit que ces femmes reprennent confiance en elles, apprennent à chercher un emploi, remettent à jour leurs connaissances de base utiles, telles que rédiger une lettre, calculer.
Ces femmes, assises derrière leur machine, pendant des journées entières, ont perdu beaucoup de souplesse, de mobilité ; leur corps est souvent rouillé et souffrant, et semble une bête d’embarras pour certaines d’entre elles.
Concrètement, il faut se remettre en route, entrer dans une dynamique de vie et non se laisser ficeler par « on n’a pas de chance, c’était mieux avant … »
Les temps de formation que nous proposons tiennent compte de tous ces facteurs complexes qui se déclinent pour chacune d’elles de manière spécifique. Chacune est unique et doit composer à sa manière avec le marché du travail, tel qu’elle le perçoit, avec son histoire personnelle, son histoire professionnelle d’ouvrière de l’horlogerie, avec ce qu’elle a envie de faire.
Il s’agit de mêler des temps d’apport de connaissances et un maximum de temps où elles sont actives.
Pour chercher du travail, il faut connaître un peu le marché local du travail, et en particulier celui du travail des femmes ; savoir ce que l’on a envie de faire. Mais comment appréhender ce marché du travail ?
En ouverture de la formation, nous leur proposons de réaliser des posters sur le travail des femmes. Chacune exprime en dessinant, en collant des illustrations trouvées dans des magazines ou des catalogues, en écrivant sur de grandes feuilles de paper board, ce qu’est pour elle le travail des femmes. Puis chacune affiche au mur sa réalisation. Ce sont douze posters qui sont là devant nous, stagiaires et formateurs. Chacune vient commenter son affiche. A la fin de l’après midi, nous avons un panorama du travail féminin et la représentation qu’en a le groupe. La production collective est aussi riche, si ce n’est plus, qu’un exposé magistral sur le marché du travail.
Ces posters parlent des conditions de travail, de leurs rêves d’une vie facile, d’une bonne rémunération. Elles disent qu’elles ne veulent plus être ouvrières même si c’est leur expérience ; elles disent comment elles ressentent le travail posté, les injonctions de leurs chefs, les rivalités, les harcèlements divers et variés. Elles regardent avec du recul, avec beaucoup d’émotions cet univers de travail dans lequel elles ont été immergées durant 20 ou 30 ans ; cette mise à pieds a été traumatisante, mais elle les a décentrée et sont capables de parler de cet univers. Maintenant il faut repartir, mais sûrement pas à la chaîne ! disent elles.
Ces posters, ces échanges permettent une analyse économique et factuelle du marché du travail. Ce n’est plus une abstraction technocratique et rigide. Les stagiaires peuvent s’approprier les connaissances du marché du travail dont elles ont besoin pour interagir avec lui. Leurs dires donnent vie à ces réalités statistiques ; et ce sont ces échos de vie réelle ou masquée avec lesquels il va leur falloir composer.
Prendre un nouvel emploi, c’est prendre chaque jour le chemin du travail dans un univers inconnu avec des gens qui ont d’autres habitudes.. ; c’est arriver là-bas, anonyme, alors que pendant 20 ou 30 ans, on était comme à la maison, même si ce n’était pas tous les jours Byzance. Deuil du connu, solitude de ce primo arrivant que les autres vont regarder, jauger.. éventuellement mettre à l’épreuve. Elles le savent, car elles ont été, il y a longtemps débutantes, et qu’elles ont accueilli des débutants… Elles formulent des regrets, elles ont peur de l’inconnu ; pourtant il leur faut sortir de l’immobilisme.
Au travers des posters qu’elles ont réalisés, elles disent qu’elles ne pourront jamais trouver ces emplois qui leur permettraient de devenir des femmes riches, couvertes de bijoux, de fourrures… qui s’évadent du quotidien ; elles parlent de leurs corps asservis à la machine, et aussi convoités par quelques chefs d’ateliers peu délicats.
Formateurs et stagiaires ont partagé, cet après midi là ces émotions, des commentaires plus rationnels sur le marché du travail à l’aide de statistiques, et les caractéristiques du marché de l’emploi ici et maintenant dans cette bonne ville de Besançon.
Comment se réapproprier une mobilité, c’est à dire se donner la liberté d’être ; s’autoriser à choisir par soi-même, à décider pour soi. Ces places assignées pendant des années sur une chaîne de production, ces rôles familiaux divers et variés prescrits, comment s’en émanciper pour être en mesure de partir à la recherche d’autres situations de travail, d’entreprendre une formation ?
La formation est une source d’émancipation, car tout nouvel apprentissage oblige à se réinterroger sur soi, quelles sont mes capacités, physiques, intellectuelles ; qu’est ce que j’ai envie d’apprendre, et qu’est-ce que je veux faire de cet apprentissage. La formation est une source de découverte ; mais est-ce que j’ai envie d’explorer des capacités inconnues de moi, est-ce que j’ose me mettre en déséquilibre ? C’est l’occasion de rompre avec l’image que l’on a de soi, mais cette rupture peut mettre mal à l’aise et cette nouvelle image peut gêner l’entourage ; comment, tu es capable de faire de belles photos, de chanter, de créer… La place occupée, jusqu’à présent dans la famille, parmi les proches s’en trouve modifiée, la place de chacun est de fait reconsidérée par les uns et les autres.
Nous proposons concrètement aux stagiaires d’être actrices de leur situation, de ne pas attendre, de se mettre en mouvement. Physiquement, après des années d’immobilité derrière des machines, et de robotisation de son corps il est nécessaire de redonner une souplesse à ce corps, de le ré-apprivoiser, de l’habiter. Pour ce faire, nous allons, stagiaires et formatrices travailler avec le Centre de Rencontre théâtral voisin.
Il s’agit de réapprendre à marcher, à conscientiser le déroulement de son pied sur le sol et son enracinement dans le sol ; bouger les bras, les mains en s’appropriant ces mouvements. Ce sont des exercices simples, mais difficiles quand, pendant des années, le corps a fonctionné au dehors de soi.

Nous travaillons bien sûr, sur les offres d’emplois de l’ANPE, des petites annonces, ou rapportées par les réseaux de connaissances ; nous les décryptons, les analysons. Quelles compétences, quels savoir-faire nécessitent ces emplois, où sont-ils localisés, dans quel type d’entreprise, quelle est la rémunération.
Elles font leur CV, prenant le temps de repérer les atouts dont elles disposent. Ces atouts, ils sont multiples et variés et ont été acquis à l’occasion d’expérience de vie. J’ai habité à tel endroit, je suis allée à l’école, j’ai participé à des colonies de vacances, activités de jeunes, des animations dans mon quartier, dans mon village, à ces occasions, qu’est ce que j’ai découvert, appris. J’ai des enfants, je les éduque, je cultive un jardin, j’ai des loisirs… j’ai une expérience professionnelle au cours de laquelle j’ai appris le fonctionnement de l’usine, du travail posté, les relations de travail, les conditions de travail… Il s’agit de repérer les savoirs, savoir-faire, savoir-être acquis grâce à ces circonstances et au cours de toutes ces activités et situations vécues. Il s’agit de repérer ses atouts qui ne se limitent pas à l’énoncé de diplômes obtenus ou à un niveau scolaire.
C’est un lent travail d’accompagnement de chacune pour qu’elles formulent par elles-mêmes ce qu’elles savent et savent faire, puis qu’elles transcrivent ces connaissances sous forme d’un CV. En faisant ce travail elles développent de la confiance en elles et elles ne se définissent pas seulement comme une ouvrière de l’horlogerie ; elles prennent conscience que leurs compétences et leurs qualités vont bien au delà. Elles découvrent qu’elles ont des capacités d’apprendre, qu’elles sont porteuses de dynamiques, qu’elles doivent être sourdes aux injonctions dénigrantes qui dénoncent leurs limites de femmes vieillissantes.

Nous simulons des entretiens d’embauche où elles sont tour à tour le patron qui recrute et la personne qui postule pour l’emploi proposé.

Elles sont là actrices, et non plus des marionnettes aux mains d’un marionnettiste qui décide ce qu’elles doivent faire. Être une actrice, et non seulement une figurante. Être une actrice de sa vie, c’est à dire entretenir ses capacités à réagir, à ne plus être fataliste.
Apprendre à décoder les emplois proposés, ceux qui figurent dans les petites annonces des journaux locaux ou de l’agence locale de l’emploi. C’est l’occasion d’apprendre les composantes d’un emploi, les horaires, le temps de travail, la rémunération, les conditions de travail, les compétences et les qualifications requises.
Apprendre à se mettre en valeur, non pas se vanter de n’importe quoi, mais savoir dire, je sais, je suis capable de ; je me donne les moyens de décider, je choisis ce qui me convient ici, maintenant, compte tenu de mes contraintes et de l’environnement.
Composer avec son environnement certes, tout en s’aménageant des espaces de liberté ; telle cette femme, à la vie souvent difficile, qui était familière de Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Apollinaire qu’elle retrouvait régulièrement à la bibliothèque municipale.

Il ne s’agit pas de rester en salle de formation, mais d’aller voir le terrain, c’est à dire de faire un stage dans une situation professionnelle qu’on aimerait occuper. C’est un temps important pour concrétiser ses idées, ses représentations ; pour mettre à l’épreuve ce qu’on sait, pour faire le point. C’est une occasion de découvrir d’autres situations de travail, d’autres environnements.
Chacune d’elles choisit là où elle veut faire son stage. Elles partagent leurs tâtonnements dans cette recherche de stages, elles se font des suggestions.
Beaucoup sont attirées par des emplois dans le commerce, bouchère, fleuriste, vendeuse.., des métiers d’aide à la personne. Il y a échange sur les caractéristiques de ces métiers, leurs conditions d’exercice, du partage des appréciations des unes et des autres. C’est un temps d’expression, apprendre à formuler des analyses, des émotions ;
Puis c’est la recherche concrète d’un stage. Chacune met au point sa stratégie et prospecte. Nous faisons le point en commun sur les réactions respectives du responsable démarché et de la stagiaire… C’est l’occasion de s’immerger dans ce marché du travail complexe et dans ces univers de travail divers et variés à explorer.

A leur retour de stage, elles partagent des réactions, des analyses, des anecdotes, des remarques acerbes…Certaines découvrent qu’elles vont devoir remettre à jour des connaissances qu’elles n’ont pas eu l’occasion de mobiliser depuis la sortie de l’école ; d’autres font part de la dureté de métiers, qui vus de l’extérieur, sont considérés comme plaisants, par exemple vivre au milieu des fleurs…
Elles ont découvert qu’elles sont capables de prendre des initiatives, de produire le travail attendu, qu’elles peuvent être actives dans ce grand jeu de l’offre et de la demande d’emplois, qu’elles ne sont pas que des pions.
A la fin de la formation, elles ont toutes, sauf une, abandonné les somnifères, les neuroleptiques divers et variés. Chacune mobilise à sa manière son énergie.
Nous les formatrices, sommes là, tout au long de cette formation, des catalyseurs.
Nous proposons des occasions permettant aux unes et aux autres, fortes de leurs savoirs et de leurs expériences, de développer leurs capacités intellectuelles, sensibles, leurs savoir faire, chacune à sa manière.
La formation accompagne là un processus de création de sa vie au quotidien et au fil des jours.

APPRENDRE AU CŒUR DE LA VIE

J’ai besoin de connaissances, de savoirs pour me débrouiller au quotidien de la vie, pour entretenir la vie qui me constitue. J’invente au jour le jour, comment nourrir mes aspirations, mes désirs, mes sentiments, ma sensibilité. Je ressens le besoin de développer mes capacités personnelles corporelles, sensibles, intellectuelles, et de continuer à explorer ce que je suis.

Apprendre à apprendre au cœur de la vie, nous venons de le voir avec cet exemple, est une démarche fondamentale, parce qu’il s’agit bien tout au long de la vie d’être en capacité de répondre à des situations que nous n’avions pas programmées ou même envisagées.
Pourtant tel un marin qui apprend à apprécier l’état de la mer, de sa voilure, le sens du vent pour pouvoir naviguer, il me revient de savoir, tant bien que mal, apprécier la vie dans sa complexité. Je ne peux pas me contenter de discourir sur et d’attendre je ne sais trop quoi.
Apprendre à s’immerger dans la vie au quotidien, ce n’est pas un pensum, il y a tellement de choses à observer, à essayer de comprendre.
La vie est variée, multiforme, on n’a que l’embarras du choix pour apprendre à apprendre.
La rencontre, l’écoute des camarades de classe, puis des collègues de travail, des voisins permettent de découvrir des situations de vie foisonnantes à travers leurs histoires, et ainsi de se familiariser avec la complexité et le changement permanent de la vie. Les cercles de vie familiale et amicale apprennent la considération de l’autre, c’est à dire l’indispensable prise en compte des espaces respectifs des uns et des autres, on sait combien cet apprentissage est difficile puisqu’il s’agit de la découverte des volontés diverses et variées, et en particulier la découverte de la volonté de toute puissance et de domination de l’autre, bien présente en chacun de nous.
Cette découverte de l’autre, des autres dont l’existence n’est pas subordonnée à la satisfaction de mes projets, aussi intéressants soient-ils, est essentielle (dans le déroulement de la vie au quotidien et pour l’organisation de la vie à plus grande échelle, l’exercice de la vie professionnelle, l’éducation des enfants, la prise en charge de malades). Apprendre à composer, à construire avec l’autre, avec les autres.
L’autre, les autres ne sont pas transparents, leurs existences méritent d’être considérées et ont de l’importance. Au cœur de situations communes, chacun se construit à sa manière avec ses rêves, ses envies et il est parfois difficile de composer avec la réalité qui contredit les projets de vie imaginés. Apprendre à envisager les choses autrement, à décaler sa manière de voir ; c’est l’occasion de chercher à comprendre en mobilisant d’autres analyses, en acquérant de nouvelles connaissances ou de nouvelles manières de pensées ; revisiter certains stéréotypes.
Se décaler par rapport à ses habitudes de pensée, et puis être obligé de faire le deuil de certains rêves légitimes, peut être ressenti comme une violence à son égard ; on peut chercher par tous les moyens à faire supporter à d’autres la charge de ses frustrations. Dans ces situations de vie, rationalité, sensibilité se mêlent ; et pour faire face à cette situation imprévue et non souhaitée, il va falloir mêler astucieusement émotions et rationalité pour construire des solutions pragmatiques fiables pour tous les acteurs confrontés au problème posé.
Cette démarche de ré-interrogation de ses manières de réagir à telle ou telle situation, d’analyser autrement les différents composants est complexe. Des éléments divers et variés rentrent en jeu, il est souhaitable d’apprendre à les identifier, à les mettre en perspective afin de mieux saisir telle ou telle situation. Une telle démarche est un outil précieux car tout au long de la vie, les problèmes à traiter ne s’énoncent pas exactement comme on l’avait prévu et ne relèvent pas de discours éthérés composés sur le thème du grand « Y a qu’à, et pis tu sais… » . En outre, les mythes du contrôle, de l’organisation qui fleurissent ici ou là ne peuvent s’appliquer à la vie humaine faite de hasard, d’imprévisibilité, de passion, de sentiments, de peines, de douleurs, de conséquences et d’inconséquences, où se mêlent de grands bonheurs et des douleurs profondes, des chances et des malchances, où la maladie, la mort sont là présentes. La force, la fragilité de la vie relèvent de la poésie et nécessitent, de la part de tous les acteurs une grande attention.

Développer son astuce, sa créativité, son attention, apprendre à entremêler sérieux et frivolité, ne sont ce pas des défis à relever tout au long de sa vie, pour apprendre à vivre. Acquérir un sens des réalités qui permet d’accueillir la vie tout aussi bien légère que sérieuse. Savoir poser des actes qui portent à conséquence, c’est à dire savoir discerner les répercussions d’’un acte, d’une parole ; mais aussi cultiver la frivolité. Apprendre à s’immerger dans des réalités concrètes, à accueillir la vie dans tous ses états.

Cet apprentissage au cœur de la vie permet d’amender les analyses construites un peu trop abstraitement, de se laisser toucher par la réalité, d’être curieux de la vie.

Apprendre au cœur de la vie, c’est apprendre à composer avec soi-même, avec son environnement. Apprendre à épouser le cours de sa vie, en harmonie avec ce que l’on est et les situations que l’on rencontre, les gens que l’on croise, étrangers ou proches.
Cette rencontre permanente avec la vie au jour le jour, nous apprend le monde. Nous décidons, alors, si nous voulons l’accepter, le changer, composer, l’admirer, le rejeter.

Françoise CRÉZÉ
Mars 2019

Posté le 31 mars 2019 par Françoise Crézé