Soutenance de thèse de Tahar BOUHOUIA. Assignation collective et socialisation d’attente : le cas des harkis et des jeunes de cité

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Tahar Bouhouia soutiendra sa thèse de doctorat le 16 février 2012 à 14:00 à l’Université Paris-Dauphine, Place du Maréchal De Lattre de Tassigny, Métro ligne 2 : Porte Dauphine.

Le numéro de salle sera communiquée ultérieurement.

Avant propos

Quand tu es jeune et arabe dans cette ville, dit Saïd, ça veut dire que tu es chômeur. Alors tu as deux solutions : ou tu t’enterres vivant chez toi, à regarder la télé toute la journée, et tu attends. Ou alors, tu vas dans un bar. Là aussi tu attends, mais avec les autres. C’est pas pareil ».

C’est en lisant, en novembre 1996, ce commentaire recueilli par Michel Roux en 1985, que le thème de ma recherche s’est précisé. Car le propos de Saïd, agissant comme une réminiscence, entrait en résonance avec les formes de sociabilité que j’avais moi-même adoptées dans les années 80. Mon histoire personnelle participe de ce passé, qui amorce et détermine l’orientation d’une histoire sociale que je partage, ou que j’ai partagée, avec beaucoup de jeunes issus de l’immigration, avant de me professionnaliser comme éducateur de rue et formateur.

Ce qui explique le statut un peu particulier de cette thèse, nourrie de mon expérience personnelle et de ma pratique professionnelle au sein d’une institution dédiée à l’émancipation de ces mêmes jeunes. Pratique réfléchie et éclairée par des lectures théoriques au fil de ces années de « recherche-action » passées d’abord au Collège Coopératif de Paris, fondé par Henri Desroches, puis en DEA en sociologie des organisations à Paris Dauphine avec Michel Liu. C’est à eux, à leurs successeurs et collaborateurs, que je dois la possibilité d’avoir été en mesure d’élaborer une compréhension raisonnée de mon histoire sociale mais aussi de poursuivre ma recherche dans une perspective de
transformation sociale. La construction de l’objet de ma recherche, tel qu’il apparaît dans mes premiers cahiers d’observations, montre le chemin parcouru ainsi que l’efficacité pédagogique de ces passeurs, promoteurs et concepteurs d’outils au service d’une formation « conviviale », au sens d’Ivan Illich.

A l’école d’Henri Desroches, la production monographique m’a permis de découvrir mes possibilités et mes lacunes. A partir d’une pédagogie du projet et d’une dynamique coopérative, je suis entré en recherche avec moi-même et avec les autres.

En projetant une description organisée à partir d’une observation raisonnée, il s’est profilé dans mon esprit une nouvelle manière d’envisager mon terrain et mes pratiques quotidiennes d’éducateur. J’ai acquis chemin faisant le besoin de transmettre, d’apprendre à observer, et j’ai, pour ce faire, travaillé mon expression écrite, orthographe en premier lieu.

Lorsque Henri Desroches, s’inspirant du chef d’oeuvre des Compagnons, proposait de réformer la formation supérieure en Sciences Sociales par la pédagogie du projet, au travers de l’élaboration d’un mémoire restituant la recherche, il permit d’imaginer et de construire un contexte conduisant l’apprenti chercheur à se former sur le modèle de l’apprenti-compagnon, qui était chaque jour corrigé par les aléas de la production courante et les remarques de ses aînés ainsi que des autres « s’éduquant ». L’oeuvre d’Henri Desroches a rendu possible la concrétisation du projet qui m’a permis de produire, à partir de mon autobiographie raisonnée, une monographie nourrie par un parcours d’expérience qui aboutit au mémoire soutenu dans le cadre du présent travail de thèse.

Résumé

Cette recherche-action, nourrie à la fois par mon histoire sociale et ma pratique d’éducateur de rue et de chercheur, accrédite l’hypothèse d’une production de situation de non force sociale instituée à partir d’une norme administrative, conduisant à la dépolitisation des populations socialement disqualifiées. Dans cette optique, la situation des « harkis » et la population dite « jeunes de cités », résultent d’un processus qui organise et institue un rapport social fondé sur un principe de « non relation », qui assigne chacune de ces populations dans un système juridique et administratif constitué a priori.

Or, notre thèse soutient que pour permettre aux institutions de construire du lien social là où elles ont tendance, parfois malgré elles, à construire du contrôle et de l’assignation collective, l’action à visée transformatrice doit se situer au niveau des organisations. Car, comme l’indique l’analyseur « prévention spécialisée », leurs dynamiques sont au service d’un principe qui configure des situations d’assignation collective et organisent un « refus de relation », constitutif d’une forme d’exclusion sociale.

Dans cette configuration, le « marginal sécant » correspond à l’« acteur générant », dans son rôle d’accompagnement des formes d’émancipation sociale. Fondée sur un processus visant à favoriser une dynamique de « développement endogène », la culture induite par le marginal sécant permettrait alors aux acteurs concernés par le changement, de saisir les contradictions instituées dans l’organisation.

Mots-clefs

assignation collective, émancipation, production de force et de non force sociale, autonomie, hétéronomie, exogène, endogène, dispositif convivial, dispositif mutilant

Jury

Directeurs de thèse :

  • Norbert Alter, Professeur à l’Université Paris -Dauphine
  • Michel Liu, Professeur émérite à l’université Paris -Dauphine

Rapporteurs :

  • Mokhtar Kaddouri, Professeur à l’Université Lille I
  • Alain Vulbeau, Professeur à l’Université Paris Ouest-Nanterre La Défense

Suffragant :

  • Philippe Chanial, Maitre de conférence à l’Université Paris-Dauphine
Posté le 10 novembre 2011